Errer, en quête de compagnie. Flâner, alors que tournent les aiguilles du temps, rappelant sans cesse aux êtres mortels que la vie est courte. Le sablier ne s’arrête pas, comme une fatalité. Cependant, qu’elle importance après tout ? D’aussi loin que remontait sa mémoire, la créature avec toujours eu un corps proche de la perfection. Une enveloppe charnelle qui jamais n’avait subi les ravages du temps. Belle, elle était et belle, elle demeurerait.

Il était étrange pour Abschaum de ressentir de l’ennuie, il était certainement le sentiment qu’elle aimait le moins. Il la contrariait depuis un moment maintenant, l’immortelle devait bien prendre conscience que depuis peu, la monotonie s’était installée au cœur de sa vie. Elle s’y faisait peu à peu, après tout le monde était bien ridicule à côté d’elle, peu de gens lui arrivaient à la cheville et, il lui arrivait parfois de se sentir nostalgique. La solitude n’était parfois pas si désagréable.

Parce qu’elle était fière, elle ne tenait pas à être vue. Elle avait décidée depuis quelques temps, que seules les profondes et les créatures, lui tiendraient compagnie. Pourtant, en ce jour, où la chaleur était revenue sur la prison, elle eut envie de pointer le bout de son nez à la surface du liquide transparent. Elle aurait voulu se rendre à la plage de cendre, car elle aimait beaucoup sa grande étendue et son paysage, mais son choix se porta finalement vers les sources chaudes. Elle savait que dans ce genre de périodes, elles n’étaient pas beaucoup fréquentées. De plus, instinctivement, elle sentait que c’était le lieu qui serait le plus à même de l’accueillir.

Et ce fut en arrivant sur place, qu’elle put comprendre. Un sourire s’afficha aussitôt sur son visage. Il était étrange de voir combien une risette pouvait changeait la face d’une personne et, si quelqu’un…ou quelque chose, l’avait regardé en cet instant, il aurait compris combien elle joyeuse. Le destin faisait parfois si bien les choses, que cela en devenait presque amusant. C’était visiblement son jour de chance.

Il était là, en train de prendre place. Il ne s’occupait pas d’elle mais elle sentait cependant, qu’il avait déjà devinait qu’elle était là. N’était-il pas après tout, le gardien des créatures ? Nul n’était mieux placé que lui, pour sentir la présence d’une des créatures qu’il dirigeait. Elle n’émergea pas de l’eau pour autant. Non, elle préférait l’observer et s’amuser encore un peu. Ainsi, elle tourna autour de lui durant quelques minutes, décrivant des cercles au fond de l’eau et tournoyant de lui, son sourire ne s’effaçant pas de son visage.

« Tu comptes jouer à cache-cache encore longtemps ? »

Elle se prit d’abord à penser que oui, puisque après tout, leur relation elle-même n’était fondé que des jeux, certes parfois agrémentés de quelques foudres mais, ce n’était rien de bien méchant. Leurs rencontres finissaient toujours de la même façon. Ils commençaient par prendre des nouvelles et finalement, leurs différents prenaient le dessus, ce qui ne les empêchait pourtant pas de s’apprécier. Un petit rire s’échappa de sa gorge, comme l’enfant qui s’amuse à faire tourner en bourrique ses parents, lorsqu’il prit la parole une seconde fois :

« J'ai apporté des sucreries, tu ferais mieux de venir si tu ne veux pas qu'elles finissent au fond de ton lac. »

Il avait touché l’un de ses points faibles. En effet, il était certainement l’une des personnes les mieux placées pour savoir qu’Abschaum n’était pas capable de résister à l’appel des sucreries humaines. Elle prit d’abord une mine boudeuse, puis elle finit par se décider à sortir de l’eau. Elle se issa jusqu’aux jambes de Jäger , croisant ses bras, elle les posa sur celles-ci. La sirène plaça son menton sur son poignet et, avec un large sourire elle pencha sa tête sur le côté.

« Alors mon chou…Tu viens t’excuser pour la dernière fois? »

Doucement, elle se tendit ses bras pour se soulever et mettre son visage à la hauteur de celui de Jäger. Elle plaça son index sur son nez et repoussa son visage légèrement, du bout de son doigt.

« Tu n’as pas été très gentil avec moi la dernière fois. C’est bien faible pour que je te pardonne ! »Elle attrapa le sachet. « Cependant, c’est un bon début !»

Elle ricana et se laissa retomber dans l’eau, en prenant soin de ne pas y mettre son sachet. Abschaum plongea sa main à l’intérieur, saisit une confiserie qu’elle mit aussitôt dans sa bouche, la laissant fondre sur sa langue. Elle ferma les yeux sous le plaisir.

« Qu’elles nouvelles m’apportes-tu ? »

« Si tu n'est pas satisfaite, la prochaine fois tu auras des cailloux. »

A ces mots, la sirène fit la grimace. Elle tira la langue à Jägger, puis attrapa pas un bonbon dans le sac et lui lança sur le front. Le son que produisit l’impact la fit rire. Abschaum était capricieuse et joueuse comme une enfant. Avec Jägger, elle n’avait peur de rien. Elle se comportait normalement, sans masques pour cacher cette petite nature, qui aurait été perçue comme une faiblesse par certains. Il était étrange de voir combien elle était à l’aise avec lui. Certes, en tant que chef des créatures, ils étaient amenés à se voir régulièrement, mais leur relation était tout de même privilégiée.

Toutefois, l’évocation de la colère de la reine, ramena Abschaum à la réalité. Elle continua de sourire. Malgré ses avertissements, elle ne put s’empêcher de croire qu’il était déjà au courant. C’était une évidence, il ne pouvait ignorer qu’elle s’intéressait de près aux affaires des humains et plus encore, qu’elle voyait beaucoup d’intérêt à ce qu’ils reversent un jour le pouvoir. Elle n’était pour le moment qu’une simple spectatrice, mais peut-être qu’un jour, sa situation évoluerait.

« Princesse ». Il avait beau parler avec cynisme et ironie, Abschaum était presque sûre que dans le fond, elle était bel et bien la princesse des créatures. Elle se considérait comme meilleure que la plupart d’entre eux à bien des égards, après tout, elle régnait sur monde à part entière. Un petit univers caché aux yeux de tous, discret et pourtant puissant. Elle était libre des choix le concernant et, nul ne savait réellement ce qu’elle y avait caché. Et puis, elle était proche Jägger. Même si les apparences montraient parfois le contraire, même s’ils passaient leur temps à se chamailler comme des gamins, c’était bien réel. Elle pouvait compter sur lui en un sens et, c’était peut-être plus important que ce qu’elle voulait bien croire.

« Tu as fait d'autres victimes ses temps-ci ? Que je ne m'inquiète pas d'éventuelles absences...»

Un rire puissant s’échappa de sa gorge. Il savait déjà la réponse. Il ne la connaissait que trop bien et ne pouvait ignorer, que jamais elle ne changerait. Elle se mit à décrire des cercles autour du petite ilot où c’était perché Jägger. Finalement, elle revint vers lui et posa sa têtes sur ses jambes, son sourire n’ayant pas quitté son visage.

« Oui, il y en a eu. Il y en aura toujours. Tu le sais très bien mon cher Jägger. Mais, ils méritent bien d’être punis après tout. Je ne fais rendre justice. Ma justice. » Elle lui adressa un clin d’œil, avant de se tourner, sa tête toujours appuyée sur lui mais le ventre à l’air et le dos dans l’eau. Elle perdit son regard au loin.« Mes eaux narrent bien des choses. Elles voient, elles entendent. Les humains sont très amusants tu sais. Chacun de leur côté, ils envisagent un renversement. Toujours différent, toujours à leur manière, visant les maîtres ou encore le chef des rafleurs. Ce qu’elles me confessent…C’est que ce monde va bientôt basculer. »Elle marqua un long silence, puis reprit.« Que penses-tu des montres des dirigeants ? Je suis assez énervée à l’idée qu’ils existent. J’ai l’impression qu’on souhaite nous faire concurrence. C’est comme une punition.»